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Channel: Oh mes beaux jours – Les mots ailés
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La démesure du coeur

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J’avais plus qu’à moitié anticipé, sur le papier, je n’avais en rien sous-estimé l’emploi de maman, et je l’attendais, la bourrasque, l’ouragan, tu sais je l’attendais. Et pourtant, rien ne ressemble à ce que j’avais en tête, tout est plus fort, plus dur, mille fois plus beau, aussi.

Chaque jour de toi est une petite éternité suspendue, chaque heure de toi est nouvelle et porte son lot d’imprévus, de cieux changeants, d’orages et d’aurores, de peurs et de merveilles. Il n’y a plus de jour, plus de nuit, tu es un éclair et une saison tout à la fois, tu es un absolu de fleurs volages qu’on ne trouve pas dans les livres. Chaque matin est un rideau qui s’ouvre sur l’inconnu, l’imprévisible : quelle leçon, pour moi qui aimais tant anticiper! Tu les ignores bien, mes cernes bleues éperdues, mes larmes de maman apeurée, mes joies de te voir aller bien, mes angoisses de toi, tu n’en as rien à faire, de mes mots quand je veux rire avec toi parce qu’avec tout l’amour du monde, et pour me (nous) consoler, je ris aussi de toi. Mais voilà, la nuit passe, l’orage se calme, et je retiendrai ta bouille repue, ronde et satisfaite de petit paresseux, joues gonflées et bouche en coeur, ma technique en cours de développement pour tenir un livre en même temps que toi dans mes bras, ainsi que celle qui consiste à manger avec toi en écharpe sans laisser échapper de miettes de pain dans tes cheveux ébouriffés de ma chaleur.

Je plonge mes yeux dans les tiens, j’y cherche ton altérité qui me transforme et qui me fait m’oublier, ou me trouver pour de vrai pour la première fois, peut-être. Je tente de t’apprivoiser et de te décoder, et dans les moments où je dis « je ne te comprends pas », je me répète que je suis celle qui te connait le mieux au monde, alors, même fragile, même imparfaite, regarde, je suis là, mon bébé, mon fils.

Je sens bien que tu me pardonnerais tout, dans toute la démesure de ton amour à toi, celui qui m’enveloppe de son feu nouveau et me fait à la fois si grande et si petite. Je te parle sans cesse, je m’invente polyglotte de tes langues, je te chante les chansons que tu aimes, celles qui fixent ton regard sur un point, celles qui te font respirer paisiblement. Je veux le mieux pour toi, qu’en imagines-tu, je frémis qu’il ne m’arrive quoi que ce soit, moi qui n’en tremblais pas vraiment. J’ignorais qu’on pouvait aimer ainsi, je me parfume à ton odeur, je perds la raison joue contre joue, je t’apprends jusqu’au fond du coeur. Et puisque tu sembles avoir envie de changer à toute allure, au point, je pense, que tu pousses dans mes bras de seconde en seconde, je profite, de tout, de toi, de ces instants-là.

Tu es mon minuscule, mon éternité, tu es mes cheveux décoiffés et mon visage sans maquillage, tu es mon odeur de lait et de fleur d’oranger, tu es mon bébé frileux qui hurle à chaque change, mon bébé malicieux qui s’arrête dès que je ferme la dernière pression du pyjama, tu es mon grand effrayé du soir, tu es mon petit calme dans le transat du matin, tu es ma fripouille de la nuit, mon sensible, mon imperturbable, mon gourmand. Je te laisserai être toi, être comme tu veux, j’écrirai ton nom avec le doigt sur ma peau, je te nourrirai à chaque midi, je te bercerai à chaque minuit, et je t’aimerai assez pour m’effacer un jour, promis.


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