Quand j’ai épousé les matins d’octobre, j’ai oublié qu’ils étaient infidèles dans la vie, imprécis dans l’allure, éphémères dans le texte.
Chaque matin, en retardataires des adultérines amours, ils repoussent leurs lumières sine die, et m’effraient de leur fugacité à l’audace pâle. Dans le silence de ces aubes trop courtes, je rêve beaucoup, je me demande un peu, je tremble aussi, et puis j’aimerais bien être une amnésique des angoisses vespérales. Seules les jolies aurores peuvent éclipser mes doutes, et voilà qu’elles oublient de durer, de rester pour le thé, de s’abandonner pour quelques heures, quelques minutes encore, dans le murmure de leur soupir suave. Les aubes fuyantes d’octobre filent de coton entre mes doigts gourds de sommeil, et chaque matin je me sens un peu trahie de leur évanescence. Je ne sais pas bien étouffer la tristesse des lumières à mi-voix, j’ignore tout des grandes et optimistes danseuses. À chaque nouveau départ, j’oublie l’arrivée, à chaque matin, je voudrais vivre sans soir, c’est mon drame, et je me cogne à l’avarice de ces ocres sur les murs blancs, écumes plus pures et plus lisibles que les vagues tourments qu’ils abritent.
J’ai froid, froid d’un manteau d’espoir qui ne tient pas bien parce qu’il est trop grand pour moi, et ne me réchauffent que les bras de celui qui est tout à la fois mon aurore et mon crépuscule.
Après l’aube, quand vient le jour, je recouds le masque du sourire serein, j’engloutis sous les eaux frêles des larmes qui ne coulent pas tous mes espoirs fanés, je force la lumière à oublier mes demi-teintes. Je renoue avec la simplicité brute et presque vulgaire du plein jour, alors que ma noirceur secrète se tait, et s’immobilise d’avoir trop affleuré. L’aube est le plus profond de mes jours, elle le sait. Je lui ai dit. (Il faut toujours se confier à l’aube.) Et de nouveau j’attends, avec la vertu des femmes de marins, les faux-plis de son bruissement, demain peut-être.
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Octobre à l’aube
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