Je me souviendrai toujours, de ce matin, ce jour, ce soir, ce 13 juillet 2013.
Je me souviendrai de mon réveil bien avant toi et bien avant l’aube, et de ce moment où je suis allée chercher le pain avec papa, dans un élan un peu romantique, sans doute à la fois un peu futile et un peu essentiel. Il faisait soleil, il faisait tiède déjà, et nous tentions de retrouver de mémoire des vers, les mots sur l’aurore de Giraudoux, nous étions à la fois fébriles et étonnamment calmes.
Je me souviendrai de ma robe qui trainait loin par terre, au point qu’un petit garçon m’avait dit qu’elle devait être trop grande pour moi. Je me souviendrai de cette impression d’être une princesse aux yeux de tous l’espace de quelques heures, alors que je sais bien que j’en suis une en vraie toujours à tes yeux à toi. Je me souviendrai de nos « oui » un peu timides, du vertige qui avait suivi dans leur écho, de l’étonnement que tout soit si simple et déjà joué. Je me souviendrai de nos sourires qui n’en finissaient pas, et je les reverrai longtemps dans ce parc dans la lumière dorée du soir, tous ceux-là, ceux qui nous faisaient sourire, tous ceux que nous aimons.
Je me souviendrai que je n’avais alors même pas idée de ce qui grandirait encore entre nous, de l’unisson qui serait le nôtre. J’avais le sentiment de parachever une fusion, et j’espérais qu’elle demeurerait si vive et si belle. J’étais bien innocente, parce que je ne savais pas qu’elle grandirait encore, qu’elle se parerait de couleurs dont j’ignorais le nom. Je ne savais pas les épreuves, je ne savais pas les nuits à venir, je ne savais pas encore le bois de chez nous, je ne savais pas nos vraies larmes, je ne savais pas nos vrais rires. Je me promenais sur un paradis vaguement fleuri, sans savoir qu’en trois ans, il deviendrait l’Eden et le labyrinthe tout à la fois, il se ferait univers d’une dimension qui n’est pas dans les livres.
J’ai vu tes blessures et tes cicatrices, et même celles que les autres ne voient pas. Tu as vu encore un peu plus mes faiblesses, et mes forces aussi, tout ce que je garde dans les bras de mes larmes, tout ce qu’il y a dans mes yeux noirs quand je dépasse un obstacle comme on ouvre une galaxie. Je ne peux danser qu’avec ta musique, je ne peux dormir que près de toi, je ne peux sourire qu’au creux de ton épaule, et celui de tes rêves. Tu me sais, toute entière, je suis de ton écorce, de tes racines, et de tes ailes. À nous deux, nous cueillerons les étoiles, nous explorerons des planètes qui n’existent pas, nous nous blottirons dans des étoffes inconnues, nous caresserons les cimes bleues des arbres et garderons des diamants de lune dans la chaleur de nos mains. À nous deux, nous serons vraiment nous, à la fois différents et semblables, à la fois citadelle double et source unique, à la fois solistes et inséparables.
Et nous fêterons nos cent ans, nos mille ans, en riant sur les toiles peintes de la rondeur du monde.
Photos : Sybil Rondeau