J’aime l’arrivée de septembre.
J’avoue que je me force un peu à l’écrire, dans un vaste élan d’auto-persuasion, et pourtant, tout est vrai. Au fond, j’aime.
J’aime choisir mon agenda, faire le tri dans mes crayons, avoir ces nouvelles petites choses qui deviennent tout à la fois familières et essentielles. Avoir un nouvel agenda, c’est comme s’habituer à un nouveau boulanger, c’est prendre un passeport pour un inédit qui prendra le goût rassurant de l’habitude. Il faut bouder devant la croûte, trouver la mie un peu différente, avant que l’ensemble ne devienne une pierre d’achoppement du quotidien.
Pour être franche, le choix de mon agenda est toujours le résultat de beaucoup d’énergie employée très habilement dans une quête éperdue. Je ne suis pas difficile, je suis exigeante, c’est tout. J’ai mes petites habitudes, je veux qu’il y ait la semaine étalée sur les deux pages comme un plan de bataille qui se donne à voir tout déplié, et je veux qu’il tienne ouvert, très important. Je veux qu’il commence en septembre, évidemment, je veux qu’il y ait les heures à gauche, que les jours soient en colonne (et pas en quinconce ou en carrés aléatoires, malheureux), et que l’ensemble ne soit ni trop petit, ni trop grand. Pas le format classeur, ni celui du portefeuille. Non, format cahier. Et puis je veux qu’il soit joli, bien sûr, je le verrai tellement, et je sais déjà à l’aube de notre voyage qu’il sera à la fois mon meilleur ami et mon meilleur ennemi.
Autant vous l’avouer : rares sont les élus qui passent les portes de mon paradis organisationnel.
J’ai souvent adopté des Paperblanks, au point que cela devenait une tradition familière pour les élèves qui me retrouvaient. (Mon manque de modestie m’encourage à croire que j’étais pour eux, ou tout du moins pour certains, plus que La Prof aux Agendas Paperblanks, mais allez savoir.)
Cette année, je n’ai pas aimé leurs couvertures, alors j’ai décidé lors d’une escapade à Nantes de lancer l’assaut sur mon futur agenda, tel Alexandre sur Bucéphale aux portes d’Issos. (Certaines passent une journée en ville pour trouver de nouvelles chaussures ou le sac à main idéal, moi c’est un agenda, soyez indulgents.) Alors que je commençais à m’affoler parce que nous constations que plusieurs papeteries du centre ville étaient fermées (plus ou moins définitivement, d’ailleurs, s’il vous plaît, faisons vivre les petites papeteries, la vie est plus jolie avec des jolis papeteries), enfin, le Temple nous apparut. Ouvert. Je veux parler de la boutique « Les Petits Papiers », juste derrière la basilique Saint-Nicolas, qui est environ la plus adorable des papeteries que je connaisse. (Il y a bien trop souvent le mot « papeterie » dans les lignes qui précèdent, oui.) Je n’ai pas fait de photo, parce que j’étais trop prise par la certitude extatique de toucher bientôt au but, mais vous pouvez bien imaginer le lieu si vous ne le connaissez pas : il s’agit d’une de ces trop rares boutiques, grandes comme des boîtes à sucres, qui regorgent de trésors dans tous les sens et de gens qui empêchent de voir toute la collection de masking tape (et oh mon dieu il y en avait des à pois et à étoiles à tomber par terre.) Il y avait des cahiers de toutes les tailles qui étaient, je pense et sans exagérer, les plus beaux que la terre ait portés, avec dedans du papier lisse qui inspirerait n’importe quel écrivain, et puis de petits crayons tout en bois, et des cartes postales toutes différentes les unes des autres, et des rouleaux de papier imprimés de toutes les couleurs avec de petits dessins dessus qui font pousser des cris stridents si l’on est une fille.
Bref. Au milieu, là, j’ai fini par trouver mon futur compagnon de l’année. Il est à spirales donc il s’ouvre bien, et dedans, c’est un pain à la mie comme je la voulais. Il est original et je ne le verrai nulle part ailleurs, il a une tranche rouge et un élastique trop cool qui s’enroule autour, et en plus, comme il a été fait en Italie, les jours et les mois sont indiqués en italien, ce qui est l’argument le plus convaincant du monde.
Avec, j’ai acheté un cahier A5, parce que c’est le comparse inévitable de mon agenda. J’ai lu avec intérêt cet été le fonctionnement florissant du Bullet Journal (Pauline l’explique bien ici, et May en prépare la plus mignonne version du monde ici). Toutefois, si l’ensemble est séduisant, j’ai bien trop développé mon organisation propre depuis quelques années pour tout changer. J’ai un cerveau qui a besoin de constantes. (C’est pour ça que je suis une fille très fidèle.) J’ai donc toujours un cahier, blanc (il faut absolument qu’il soit tout blanc ; s’il y a des lignes, c’est la fin), que je remplis page à page, avec plusieurs couleurs. J’inscris les dates avec les listes de choses à faire, rayées lorsqu’elles sont faites, entre crochets lorsqu’elles sont repoussées. J’écris tout et n’importe quoi, une recette aperçue sur un blog, une idée de texte à écrire, un mantra, un brouillon de lettre, une liste de courses, une liste d’envies. Je garde toutefois souvent ces dernières, ainsi que les choses un peu moins pratiques (liste de sourires de la journée, liste de ce qu’aime untel, récit d’un bon moment, dessin pourri d’une déco envisagée, et autres choses croustillantes) pour un autre cahier, un grand et très joli, un carnet un peu magique, à part. Bref, le petit, c’est le cahier du quotidien, c’est l’allier de l’organisation au jour le jour, ou à la semaine, au maximum, et il y a à peu près toute ma vie dedans. (Une fois, je l’avais oublié au CDI, je ne vous raconte pas l’angoisse.) (Finalement, je l’ai retrouvé intact, il faut croire que l’étagère du fond est rarement visitée.)
Celui de cette année sera violet, il y a écrit « thé des écrivains » dessus, détail formidable parce que j’aime beaucoup le thé, ainsi que les écrivains. Dedans, il a comme du papier parchemin, qui ne bave pas même si l’on écrit au stylo plume. Autant vous dire que la vie est belle.
Je dois être un peu frivole, mais avec ce genre de détail, la rentrée est une étape qui s’envisage tout de suite mieux.