Voilà que toi et moi, nous avons bientôt huit mois ferme.
Dis, mon bébé, passera-t-elle toujours à ce rythme-là, la vie avec toi?
Voilà que tu es pressé, paraît-il, enfin, tu viendras peut-être dans trois semaines, mais peut-être ce soir aussi, parce qu’on ne sait pas.
Depuis huit mois, j’écris pour toi, je te parle, je t’appelle, je te dis que je t’aime, comme une évidence qui m’échappe. Sans trop y réfléchir, parce que si j’y réfléchis, le trop-plein de larmes déborde un peu de la surface, et je suis un peu ridicule, tu comprends.
J’accepte les joies et les tristesses qui trouvent une rapide et curieuse alternance, j’accueille des bonheurs et des angoisses qui dépassent tout ce que je connaissais, tout ce que j’imaginais. Je vibre si fort de penser à toi, à nous, à tout ce qui fera que la vie bientôt ne sera plus la même. J’irais au bout du monde, tu sais, pour toi, je ferais tout pour que tu n’aies pas froid, que tu n’aies pas faim, que tu n’aies pas peur. Je te donne mon temps, mon corps au repos, mes nuits, mes repas, prends mais prends, je déploie tout pour rester calme, je te donne tout ce qui peut t’aider. Je ferme les yeux sur ce qui tient de moi et ne t’atteint pas, je me fais croire depuis huit mois que je me porte comme un charme, parce que c’est un peu vrai, c’est même infiniment vrai, tu sais. Je me sens surhumaine pour toi.
Dans ta caverne de Platon, au fil de tes mouvements si précis maintenant, si coordonnés, si aboutis, au fil de tes hoquets, si tu savais comme mon amour pour toi se développe et se coordonne aussi, mon géant minuscule. Que comprends-tu de moi, que comprends-tu du monde? Et si, nous aussi, nous n’avions qu’une perception toute partielle de ce qui nous entoure, et si les mains d’une (autre) mère nous apaisaient parfois sans que nous ne puissions en avoir de connaissance complète? Je m’étourdis de toi, je m’étourdis de moi, nous sommes si forts, oh dis, nous sommes si petits.
Dans quelques jours peut-être, tu seras là. J’ai hâte de te voir, de te toucher surtout, moi qui n’ai jamais bien vu avec mes yeux cassés. J’ai hâte de sentir ta peau, ta rondeur, ta chaleur, j’ai hâte de partir à deux et revenir à trois, même si j’ai peur, même si le siège auto n’est pas mis ou que la valise n’est pas faite, j’ai hâte. Mais prends ton temps, reste au chaud, reste encore un peu, reste à moi, mon bébé.